J’écris cet article en tant que référent numérique dans mon école. Je vais vous présenter l’organisation numérique que j’ai mise en place dans mon établissement scolaire (école fondamentale). Je ne pense pas qu’il existe une seule solution dans les stratégies à mettre en place et la façon dont on les relie.

Cet article est lié à la page consacrée au rôle de référent numérique sur ce site : lien.

Préambule

Je vous partage mon expérience avec le préambule suivant : si vous souhaitez vous lancer, il est important d’adapter votre dispositif à vos besoins. Le danger serait de devenir dépendant des outils numériques. J’aborde ce sujet dans mon article “Collapsologie technopédagogique“. Les outils numériques ne doivent pas insidieusement décider de vos actes pédagogiques. Si un outil ne dispose pas des possibilités attendues, donnez vous la liberté d’en changer ou d’associer plusieurs outils. Je vous encourage donc à réfléchir au préalable à vos besoins et à ce que le numérique peut apporter d’enrichissant à vos pratiques. L’échelle SAMR peut éventuellement vous y aider.

Cet article est destiné à mettre en lumière la continuité qui est construite à travers notre projet numérique. Cette continuité est construite pour chaque intervenant de l’école :

  • Enfants
  • Parents
  • Enseignants
  • Éducatrice
  • Direction

L’ensemble de ce qui est décrit dans cet article est construit en collaboration : à l’aide de la concertation, d’outils numériques collaboratifs, de téléconférences. Le numérique à l’école n’est pas un cours informatique qui fonctionne en parallèle de la vie de l’école : nous le souhaitons ancré dans notre vie réelle.

Nous souhaitons rendre les enfants acteurs dans les projets, dans les processus d’apprentissages et dans la vie de l’école. Les TICE permettent d’appliquer tout cela avec la plus-value d’avoir une adaptation pour chaque élève.

Avant de mettre en place les outils, j’ai d’abord réalisé un sondage auprès des enseignants et de la direction : de cette manière, ils ont pu me communiquer leurs souhaits et craintes.

A l’époque (en 2019), j’avais réalisé une carte mentale reprenant les points d’attention liés à ce projet. Cette carte mentale n’est plus complètement fidèle à la réalité, mais s’en rapproche beaucoup. Je la partage pour vous présenter les étapes de ma réflexion, dans l’espoir que cela aide l’une ou l’autre personne.

Objectifs

Une fois que les besoins de tous les intervenants étaient récoltés, j’ai pu dresser une liste des objectifs réalisables et en adéquation entre mes propres souhaits de référent numériques et les besoins de l’école.

Créer dispositif numérique permettant :

  • d’optimiser la communication avec les parents
  • de gérer les élèves lors de périodes de quarantaines ou de confinement
  • de favoriser le travail collaboratif
  • d’optimiser l’engagement de tous les acteurs de l’école
  • d’enrichir des activités pédagogiques avec une plusvalue numérique
  • d’éduquer à la citoyenneté numérique
  • de favoriser la créativité des élèves
  • de communiquer des réalisations d’élèves, d’enseignants, de parents
  • de travailler la continuité

Je ne pense pas que cette liste soit exhaustive. Je vous ai sélectionné quelques éléments qui me semblent essentiels. Avant d’aller plus loin, si vous êtes dans la construction, je vous invite à continuer cette liste ou à la modifier selon vos besoins.

Depuis quelques années, notre équipe a souhaité insérer l’utilisation du numérique dans nos pratiques pédagogiques. Le but était de viser tant les enfants, que les enseignants et les parents. Par cette démarche, nous nous voulons artisans d’une utilisation responsable, formatrice, émancipatrice, critique et créative de la toile au sein de notre école. Notre communauté de vie n’a pas changé : nous alimentons sa flamme avec la même humanité qui nous caractérise. En effet, nous souhaitons que l’usage des écrans soit une réelle plus-value humaine. Notre volonté est d’inciter nos élèves à donner de la voix : s’épanouir et se dire en relation avec ses pairs et son environnement. Le numérique nous permet d’enrichir nos activités : nous tissons notre toile dans la toile, enrichie de chaque identité et richesse de nos élèves. Ce réseau englobe tous les acteurs de notre établissement : enfants, parents, enseignants, direction, PO… Plus encore, le référent numérique a créé un site internet qui cible l’intégration du numérique dans les pratiques pédagogiques. Cela nous permet de partager notre expérience et nos outils avec d’autres personnes. Ce site est ouvert à tous et contient également un espace privé pour l’échange entre les référents numériques d’autres écoles. En effet, nous avons initié la création d’un groupe d’experts numériques au sein des 10 écoles de notre PO (ces écoles sont chapeautées par une fédération, la fédération de l’Olivier). De cette manière, nous travaillons la continuité au sein de notre école et en-dehors.

Malgré nos moyens limités, nous avons équipé progressivement notre école d’un matériel utilisé quotidiennement : des projecteurs et leurs écrans, des enceintes sans fil, des tablettes, des ordinateurs, des cartes programmables, etc.

Si notre mission est en classe, nous mettons également en place des ateliers avec les parents que nous appelons des « cafés numériques ». Les parents peuvent y échanger et poser leurs questions : nous y insérons de courtes formations sur le numérique pour les aider à vivre l’invasion du numérique à la maison de façon harmonieuse et rompre la fracture numérique que nous constatons.

Cadre

Par rapport à ces objectifs, nous avons progressivement mis en place un cadre de travail.

Aider les élèves à mieux comprendre la réalité, leur environnement en

  • se questionnant ;
  • en cherchant des réponses sur la toiles, d’autres points de vue et en les confrontant ;
  • Les inciter à observer et agir dans le réel en exploitant la toile.

Tout cela se réalise dans un va et vient permanent entre le réel et le virtuel.

Nous souhaitons installer un projet d’école qui a du sens : sans artifices, mais avec feu. Notre équipe et les élèves sont lancés non pas dans une course, mais un marathon : nous avançons en groupe. Chacun adapte sa foulée en fonction de ses capacités. L’objectif est d’avoir parcouru la distance en se dépassant parfois et en se ménageant à d’autres moments. Nous prenons le temps de nous mettre au diapason du tempo. Les premières foulées ont été difficiles : nous n’étions pas encore chauds. Malgré le signal d’une fatigue à faire rebrousser chemin, nous avons persévéré. Notre équipe brule d’une flamme que rien ne pourrait éteindre. Nous aimons l’attiser et la dompter. Notre course nous réchauffe de l’intérieur. Notre souffle s’accélère et surtout, ces inspirations deviennent plus profondes. Aujourd’hui, notre communauté est prête pour le parcours planifié. Cela tombe bien, car nous voici arrivés au pied de la colline. Nous attaquons la première dénivellation : l’effort est plus intense, mais plus agréable. Notre créativité s’échauffe au fur et à mesure de nos foulées. Les enfants peuvent donner libre voix à leur créativité. Les enseignants s’émancipent et s’approprient avec la même ardeur les outils autant qu’ils repensent leurs activités. Nous ne succombons pas aux éclats brillants des écrans :  nos foulées coordonnées sont guidées par l’objectif plutôt que le chemin. Les parents sont emportés par l’élan de leurs enfants et de notre équipe. Par le numérique, nous retissons des liens essentiels entre la société et l’école. Les élèves peuvent pousser des cris retentissants, des sortes de coups d’éclat qui mettent en valeur la créativité de chacun.

Cette course enivrante est fédératrice, car nous incitons les parents à suivre notre foulée progressivement. Grâce à cela, nous inspirons de grandes bouffées d’air qui retissent les liens émoussés par la pandémie : non pas des liens qui enchainent, mais des liens de cordées, qui nous mènent plus haut.

Plus-value du projet numérique

Le numérique au sein de nos pratiques nous a permis de rendre le travail sur une continuité plus efficace. Grâce aux divers outils mis en place, notre équipe pédagogique s’ouvre de nouvelles portes. Si nous avions de grandes richesses collectives, nous n’arrivions pas à les rentabiliser. Le numérique nous a permis de repenser notre collaboration.

Le numérique nous permet d’enrichir nos activités : nous tissons notre toile dans la toile, enrichie de chaque identité et richesse de nos élèves.

Progressivement, les enseignants insèrent dans leurs activités les outils numériques. Nous avons créé un écosystème numérique adapté aux besoins de chacun : les enseignants peuvent utiliser ces outils en fonction de leurs besoins ou de leurs pratiques. Il est très important pour nous que chacun y trouve du sens : en cela, le projet ne restreint pas par des balises trop strictes, mais est adaptatif en fonction de chaque intervenant.

Dans cet esprit, en tant que référent numérique, je favorise une continuité dans les pratiques et les moyens utilisés. Cela favorise une fluidité dans les collaborations :

  • Notre travail collaboratif est rendu plus efficace par le truchement des outils utilisés et par l’accessibilité des traces construites antérieurement tant par les enseignants que par les élèves ;
  • Cette enrichissement numérique favorise les croisement des regards par une accessibilité des contenus accrue.

Enfin, le cadre construit est une réelle plus-value pour les élèves qui sont amenés à ouvrir un regard plus large sur le monde : le numérique permet de pousser les murs de l’école. Cela favorise l’horizontalité des apprentissages : les apprenants deviennent acteurs de leurs apprentissages et font des apports concrets qui enrichissent les pratiques de l’enseignant.

Nos dispositifs

En tant que référent numérique, je pense avoir la responsabilité d’ouvrir un maximum de portes pour chaque enseignant puisse utiliser la porte qui lui correspond le mieux. Je n’ai donc pas misé sur une seule plateforme numérique, mais sur plusieurs. L’inscription à ces plateformes numériques est fastidieuse, mais cela vaut la peine de le faire. Par contre, cela nécessite une réelle formation, car la gestion de telles plateformes n’est pas simple au départ. Notre école a accès aux outils suivants :

  • Google Education
  • Microsoft Education
  • Happy (la plateforme proposée par la Fédération Wallonie-Bruxelles).

Nous utilisons régulièrement les deux premières. Pour ce qui est de Happy, nous ne l’utilisons pas actuellement : cela ne correspond pas à nos besoins actuels. Néanmoins, notre espace y est créé et je sais que nous pouvons y revenir à tout moment.

Élément central : le site de l’école

Lorsque j’ai mis tout cela en place, mon souci était que les enfants et les parents puissent facilement accéder aux outils sans avoir de connaissances numériques. En effet, tenir compte de la fracture numérique est indispensable lors de la mise en place d’un tel dispositif. J’ai donc repensé et reconstruit le site de l’école autour de de cette idée.

Pour chaque classe, j’ai créé une page spécifique. Cette page est protégée par un mot de passe. Seuls les enfants, parents et enseignants de cette classe connaissent le mot de passe. La page de la classe est volontairement dépouillée. En effet, les enseignants n’alimentent pas cette page. Cette page permet aux parents d’accéder à divers outils qui ne concernant que les membres de la classe :

  • Un lien vers l’endroit où l’enseignant stocke les photos : j’ai mis en place un système de cloud pour que les enseignants puissent partager facilement les photos.
  • L’intégration d’un Padlet tenu à jour par l’enseignant : les mises à jour sont donc visible sur la page, même si l’enseignant n’a pas le droit de modifier cette page.
  • Des liens vers des formulaires : par exemple pour prendre un rendez-vous avec l’enseignant(e).
  • Les travaux numériques réalisés par les élèves de la classe

L’idée est que ce contenu, qui est très personnel aux élèves, suive les enfants tout le long du parcours en maternelle et primaire.

Le fait que ces pages de classe soient protégées par un mot de passe permet d’être dans le respect de la protection de données autant que possible (même si c’est un sujet extrêmement complexe).

Attention : veillez à ce que les moteurs de recherche n’indexent pas les pages qui sont protégées par un mot de passe.

Pour le reste, j’ai décrit plus en détails la façon dont j’ai créé le site ici.

Pour les parents

Au-delà du site internet de l’école, j’ai créé pour chaque parent une adresse mail. Nous utilisons principalement Google Éducation, c’est donc via cette plateforme que j’ai créé ces adresses. Évidemment, il a fallu être patient : chaque enseignant a eu la responsabilité d’informer les parents et de les accompagner. Tous ne savaient pas utiliser cet outil. Avant cela, les enseignants communiquaient beaucoup avec Whatsapp. Ma responsabilité de référent numérique était de mettre fin à cette utilisation pour des raisons de confidentialité de données. Je vous invite à lire mon descriptif ici.

En parallèle, j’ai réalisé de nombreux tutoriels vidéos pour expliquer comment accéder à cette adresse sur tous les outils existants (tablettes, téléphones, ordinateurs). Ces tutoriels étaient accessibles très facilement sur le site de l’école.

En parallèle, je demandais aux enseignants d’utiliser régulièrement ces adresses : c’est l’usage qui allait ici créé le besoin aux yeux des parents.

Enfin, j’invitais chaque enseignant à relancer les parents lors des réunions des parents :

  • Avez-vous installé le mail sur votre téléphone ?
  • Pouvons-nous regarder ensemble ?

Certains enseignants se servent de Padlet pour présenter certaines informations. Je les ai donc encouragées à créer des Padlet privés. Ils sont placés sur la page de la classe qui est protégée par mot de passe.

Pour ce qui est des rendez-vous des parents, je me sers de Google Forms associé à une extension gratuite qui s’appelle « Choice Eliminator 2 ». Depuis peu, j’ai un abonnement à Microsoft 365 A3, ce qui me permet d’utiliser l’excellent Bookings.

Pour les enseignants

Formation

Une grande partie de mon travail à consister à accompagner les enseignants : chacun avait des niveaux de compétences différents en ce qui concerne le numérique. Je ne saurais compter les heures que j’ai consacrées dans cette étape. On parle bien ici de formation continue. Aujourd’hui encore, je passe beaucoup de temps à répondre aux questions individuelles ou aux demandes collectives. Il est primordial d’aider chacun à surmonter ses craintes ou ses obstacles : démystifier le numérique. Je me suis appuyé pour cela sur plusieurs modèles technopédagogiques que je vous invite à découvrir ici.

Dispositif

Avec ma direction, nous avons mis en place un Drive sur lequel tous les documents de travail collaboratif sont accessibles par les enseignants. Certains dossiers sont en lecture seule, d’autres sont accessibles en écriture. Ce Drive est devenu un élément très important de notre travail collaboratif.

J’ai créé une adresse mail professionnelle pour chaque enseignant. Cela me permet de gérer la confidentialité des données. Cette adresse mail est aussi une clé qui donne accès à divers outils proposés dans la suite Google Education.

Sur le site de l’école, j’ai créé une page privée à destination des enseignants : ils y trouvent des accès facilités au Drive, des tutoriels, etc.

Nous utilisons la plateforme Instit.info pour gérer les dossiers des élèves.

Toujours sur Instit.info, nous avons un calendrier commun qui nous permet de partager facilement des événements et tenir le rythme des tâches collaboratives.

Google Classroom est de plus en plus utilisé par les enseignants avec leurs élèves.

Pour les élèves

Il me serait difficile de décrire l’ensemble des activités réalisées avec les élèves. Je vous invite à parcourir cette page de mon site. Vous y trouverez un grand nombre d’activités que j’ai mises en place au sein de mon école.

Matériel est maintenance

Avant que je ne sois référent numérique officiel, je me procurais du matériel auprès d’entreprises diverses. Plusieurs entreprises ont des programmes spécifiques pour transmettre le matériel inutilisé à des écoles. Ce matériel n’était pas toujours récent et on ne savait pas utiliser les ordinateurs aussi loin que je le souhaitais.

Depuis que j’ai obtenu un rôle officiel de référent numérique, ma direction a pu dégager du budget pour l’achat de matériel. Progressivement, j’ai pu équiper les classes primaires des outils suivants :

  • Au moins deux ordinateurs portables
  • Un projecteur avec son écran (pas de TBI à cause du coût)
  • Des tablettes Android
  • Des baffles sans fil
  • 8 écouteurs par classe, avec des dédoubleurs jack pour connecter plusieurs écouteurs sur un même appareil

Pour ce qui est des classes maternelles :

  • Un écran
  • Des iPad

Je regrette beaucoup d’avoir acheté des tablettes Android pour les primaires. La demande de ma direction était d’avoir un certain nombre de tablettes par classe primaire, mais cela impliquait un budget restreint. Les tablettes choisies étaient donc d’un faible cout. S’il s’agissait d’une marque solide, elles ne sont cependant pas assez fluides et stables. Personnellement, je ne peux que conseiller l’achat d’iPad reconditionnés.

Pour la maintenance de ces appareils, j’avais expliqué à ma direction que je ne pouvais à la fois m’occuper de tout le reste et en même temps de la maintenance des appareils. Une personne extérieure a donc pris en charge la maintenance, mais cela n’a pas duré. En effet, les demandes d’intervention sont trop nombreuses et il faut que cela soit quelqu’un qui se trouve sur place qui puisse régler ces problèmes. On touche ici à une grande difficulté que rencontrent les référents numériques : le temps.