Auteur

Un enseignant passionné par le numérique
Je m’appelle Vincent Backeljau, et je suis enseignant en 5e et 6e primaire à l’Institut de l’Annonciation, à Schaerbeek. En tant que référent numérique de mon école, j’ai à cœur de partager mon expérience et mes découvertes avec d’autres enseignants.

Mon objectif est de fournir des ressources concrètes et adaptées, permettant à chaque enseignant d’intégrer les technologies dans ses pratiques, tout en valorisant une approche pédagogique équilibrée, ouverte à tous les outils, qu’ils soient libres ou propriétaires.

Introduction

Depuis que j’explore l’intégration de l’intelligence artificielle générative (IAg) dans mes classes de 5ᵉ et 6ᵉ primaire, une question revient sans cesse : comment rendre visible ce qui a été fait par l’élève et ce qui a été soutenu par l’IA ?
Nous parlons beaucoup d’esprit critique et d’éthique numérique, mais dans la pratique quotidienne, il n’est pas toujours simple pour un enseignant — ni pour un élève — de situer clairement la part d’intervention de l’IA.

C’est là que les pictogrammes de déclaration des niveaux d’utilisation de l’IA générative, développés par l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), offrent une piste à la fois simple et puissante. Je les ai découverts dans le cadre de mes recherches, et j’ai très vite compris leur potentiel pédagogique pour l’enseignement fondamental.


Pourquoi des pictogrammes ?

L’idée est très simple : utiliser un langage visuel partagé pour indiquer le niveau d’usage de l’IA dans une production.
Ces pictogrammes permettent :

  • d’éviter les malentendus entre élèves et enseignants ;
  • de rendre visible le degré d’autonomie de l’élève ;
  • de soutenir une posture critique et transparente ;
  • et, surtout, d’ouvrir le dialogue sur l’usage réfléchi de l’IA à l’école.

Plutôt que de rester dans l’implicite, chaque travail peut être accompagné d’un symbole qui dit clairement : voici ce qui a été fait par moi, et voici où l’IA m’a aidé.


Les quatre niveaux proposés par l’UQAC

Les pictogrammes se déclinent en quatre niveaux progressifs, chacun correspondant à un usage de l’IA.

  1. Aucune utilisation
    • L’élève a produit seul son travail, sans recourir à l’IA.
    • Exemple : un texte écrit intégralement à la main ou sur ordinateur, sans correction automatique.
  2. Assistance limitée
    • L’IA intervient uniquement pour des retouches mineures : orthographe, grammaire, ponctuation, ajout d’un titre, traduction ponctuelle.
    • Exemple : un élève écrit un texte et utilise l’IA pour vérifier quelques fautes.
  3. Assistance partagée
    • L’IA joue un rôle significatif dans la production : une partie du texte est générée ou reformulée, une image est créée par l’IA puis intégrée dans le travail.
    • Exemple : un diaporama où l’élève a écrit les idées mais a demandé à l’IA de reformuler certains passages et de générer des illustrations.
  4. Assistance majeure
    • La production est quasi entièrement générée par l’IA, avec peu d’intervention humaine.
    • Exemple : un texte fourni presque intégralement par un chatbot, ou une affiche composée d’images IA sans création personnelle de l’élève.

Lien vers l’article initial : https://www.uqac.ca/ressourcespedago/iag/


Comment les utiliser en classe ?

Dans ma pratique, j’ai choisi d’introduire ces pictogrammes en deux temps :

  • Côté enseignant : j’annonce, dès la consigne, le niveau autorisé pour l’activité. Par exemple : “Pour cet exposé, vous pouvez utiliser l’IA uniquement pour corriger vos fautes → Assistance limitée.”
  • Côté élève : au moment de remettre le travail, chacun ajoute le pictogramme correspondant au niveau réel de son utilisation.

👉 Cela permet de distinguer ce qui est autorisé de ce qui est effectivement utilisé, et d’engager un dialogue honnête.


Un outil simple pour la transparence

L’UQAC propose même un formulaire de déclaration qui accompagne les pictogrammes. Pour mes élèves, je l’ai adapté en une version simplifiée, à compléter en trois lignes :

  1. Outil(s) utilisé(s) : …
  2. Pour quoi ? …
  3. Niveau choisi : [picto]

Exemple concret :

  • Outil : ChatGPT
  • Pour : corriger mes fautes de grammaire
  • Niveau : Assistance limitée

Cette petite phrase change tout. Elle donne aux élèves le réflexe de réfléchir à leur démarche et à la transparence de leurs productions.


Exemples adaptés à l’enseignement fondamental

  • Un texte personnel corrigé par l’IA → picto “Assistance limitée”
  • Un exposé enrichi d’images générées par l’IA → picto “Assistance partagée”
  • Un diaporama écrit intégralement à la main, sans IA → picto “Aucune utilisation”
  • Un conte produit presque entièrement par un générateur → picto “Assistance majeure”

En travaillant ainsi, les élèves comprennent que ce n’est pas mal d’utiliser l’IA, mais qu’il est important de le dire clairement et d’en assumer le choix.


Les avantages pédagogiques

L’intérêt des pictogrammes va bien au-delà de la simple étiquette visuelle. Ils permettent de :

  • développer l’esprit critique : l’élève apprend à questionner son propre usage de l’IA ;
  • travailler l’éthique numérique : dire la vérité sur la part humaine et la part automatisée ;
  • renforcer la culture digitale : comprendre que l’IA n’est pas un outil neutre, mais un assistant qui a ses limites et ses biais ;
  • soutenir l’autoévaluation : l’élève prend conscience de ses forces et de ses besoins d’aide.

Mettre en place dans l’école primaire

Je recommande trois outils pratiques :

  1. Une affiche de classe : “Aujourd’hui, le niveau autorisé est…” avec le pictogramme choisi.
  2. Un cartouche élève : à coller sur chaque production, avec picto + trois lignes de déclaration.
  3. Un tableau-guide : “Si l’IA a fait X → je choisis Y” (ex. correction orthographique = Assistance limitée).

Avec ce dispositif, tout le monde parle le même langage : enseignants, élèves, et même parents.


Conclusion

Ces pictogrammes ne sont pas qu’un gadget graphique. Ils incarnent une pédagogie de la transparence et de la responsabilité. Dans mes classes, ils ont ouvert des discussions passionnantes : “Est-ce que reformuler, c’est déjà de l’assistance partagée ?”, “J’ai utilisé l’IA pour l’image, mais le texte est de moi : est-ce que je peux mettre deux pictogrammes ?”.

Loin de brider, cette démarche stimule la réflexion et l’éthique numérique. Elle montre que l’IA est un outil à utiliser en conscience, et que l’important n’est pas d’interdire ou d’imposer, mais de déclarer et d’assumer.


👉 Et vous, comment pourriez-vous introduire ces pictogrammes dans vos classes ?
Je vous propose de télécharger le kit sur le site de l’UQAC et d’essayer, même à petite échelle. Vous verrez rapidement que ce langage visuel devient un levier puissant pour développer l’autonomie et l’esprit critique des élèves.