Au cours des dernières semaines, j’ai été approché par deux importants médias belges, Le Soir et La Première, pour évoquer la décision surprenante de la Suède de freiner l’intégration du numérique dans son système éducatif.

Si je salue la remise en question et la préoccupation croissante autour de l’apprentissage, il est primordial de ne pas confondre le support et le contenu. Blâmer le numérique pour les difficultés rencontrées serait comme accuser un marteau d’une mauvaise construction. Ce n’est pas tant l’outil qui est en cause, mais plutôt la manière dont il est utilisé et, en amont, la pertinence de son choix pour une tâche donnée. En Belgique, nous adoptons une démarche plus nuancée, comme en témoigne l’incorporation de cours dédiés au numérique dès la troisième primaire dans le tronc commun.

Je crois fermement que la Suède a commis une erreur en introduisant les écrans trop tôt dans le parcours éducatif des enfants. À un âge aussi précoce, les jeunes ont un besoin impératif d’expérimenter directement avec leur environnement tangible, d’interagir physiquement avec leurs pairs et de construire leurs compétences sociales. Cette phase est essentielle pour une croissance et un développement harmonieux. À cet égard, le choix stratégique de la Belgique d’introduire le numérique plus officiellement en 3e primaire est perspicace. Cependant, cela ne signifie pas que les plus jeunes ne peuvent pas bénéficier d’interactions numériques ponctuelles, surtout si elles sont utilisées pour renforcer des compétences transversales. De plus, il est crucial de rappeler que le numérique ne se limite pas aux écrans. L’apprentissage de la programmation, par exemple, peut débuter avec de petits robots qui se déplacent et interagissent avec le monde réel, offrant ainsi une expérience d’apprentissage à la fois tangible et numérique.

L’intégration du numérique dans l’enseignement primaire : pour le meilleur ou pour le pire ?

La récente décision de la Suède de freiner l’intégration du numérique dans son système éducatif a suscité de nombreuses réflexions à travers le monde. En tant qu’enseignant investi dans l’intégration des technologies dans l’enseignement, j’ai une vision plus spécifique du sujet. Voici mes réflexions étoffées sur l’importance, les avantages et les défis du numérique dans l’enseignement primaire, basées sur mon expérience professionnelle.

Pour ou contre ? Par et Pour !

Il est essentiel de distinguer deux approches majeures en ce qui concerne l’intégration du numérique en éducation : enseigner par le numérique et enseigner pour le numérique.

Enseigner par le numérique fait référence à l’utilisation des outils technologiques comme support d’apprentissage. Il s’agit d’utiliser les plateformes numériques, les applications, les logiciels ou encore les vidéos pour enrichir ou faciliter la transmission de connaissances et compétences dans n’importe quelle matière, qu’il s’agisse de mathématiques, de langues ou d’histoire. L’outil numérique est ici au service de l’apprentissage, permettant d’adapter les méthodes pédagogiques, de diversifier les sources d’information ou encore de proposer des exercices interactifs.

En revanche, enseigner pour le numérique se concentre sur l’acquisition de compétences spécifiques à l’univers digital. Cela couvre des domaines tels que la programmation, la maîtrise des logiciels, la cyber-sécurité, la culture numérique ou encore l’esprit critique face aux informations disponibles en ligne. Ici, l’objectif principal est de former les élèves à être des acteurs compétents, conscients et responsables dans une société toujours plus digitalisée.

En somme, si enseigner par le numérique transforme la manière dont nous transmettons le savoir, enseigner pour le numérique façonne la manière dont les élèves se préparent à interagir, comprendre et contribuer à la société numérique actuelle et future.

Le numérique : plus qu’une tendance, une nécessité sociétale

Nous vivons dans un monde de plus en plus dominé par la technologie. Que ce soit pour le travail, pour les loisirs ou pour les interactions sociales, les compétences numériques sont devenues presque aussi fondamentales que savoir lire et écrire. À ce titre, je pense que l’enseignement primaire doit impérativement inclure une éducation au numérique. Il ne s’agit pas seulement de savoir utiliser un ordinateur, mais également de comprendre comment le numérique s’inscrit dans divers contextes : social, professionnel, éthique, etc.

Éducation inclusive grâce au numérique

L’un des aspects les plus méconnus du numérique en classe est son potentiel pour l’éducation inclusive. Des outils comme les lecteurs de texte pour les dyslexiques ou des programmes d’assistance vocale pour les malvoyants peuvent faire une différence significative. De plus, des applications éducatives peuvent être adaptées pour aider les enfants qui ont des difficultés en langue, que ce soit le français ou une autre.

Motivation, personnalisation et collaboration : les atouts du numérique

Motivation des élèves

Il est difficile de nier l’attrait que les outils numériques ont pour la majorité des élèves. Le simple fait de travailler sur un écran peut souvent rendre une tâche plus attrayante. Cette motivation accrue est une opportunité à saisir pour favoriser l’engagement et la participation active en classe.

Personnalisation de l’apprentissage

Les plateformes éducatives en ligne offrent souvent des outils de diagnostic et de suivi qui permettent une personnalisation poussée de l’enseignement. Chaque élève peut travailler à son rythme, ce qui est particulièrement utile pour ceux qui ont besoin de plus de temps pour assimiler certaines notions.

Collaboration entre élèves

Le numérique ouvre également la porte à de nouvelles formes de travail collaboratif. Les élèves peuvent échanger, partager des documents, et même co-créer du contenu en temps réel, développant ainsi des compétences sociales et interpersonnelles indispensables.

Les écueils à éviter

Bien sûr, l’intégration du numérique dans l’enseignement n’est pas sans défis. Les risques d’addiction aux écrans et la possible détérioration des compétences cognitives comme la concentration et la mémoire doivent être pris au sérieux. Il est donc crucial de réguler l’usage du numérique en classe, et de l’intégrer dans un cadre pédagogique réfléchi et structuré.

Conclusion : une question d’équilibre et de bon sens

La décision suédoise de ralentir l’intégration du numérique en éducation doit être perçue non pas comme un rejet de la technologie, mais plutôt comme un appel à la prudence et à la réflexion. En Belgique, nous avons l’opportunité de tirer des leçons de cette expérience pour ajuster notre propre approche, en trouvant un équilibre qui maximise les avantages tout en minimisant les risques associés.

L’interview

Je vous propose ci-dessous un résumé des réponses que j’ai données à Joanna TIBESAR (ST.) dans le cadre de mon interview pour le Soir :

Selon vous, dans quelle mesure l’utilisation des écrans et du numérique peut-elle avoir sa place dans l’enseignement primaire ?

L’utilisation du numérique peut avoir une place importante dans l’enseignement primaire, au même titre que d’autres matières. Les technologies sont imbriquées dans nos vies. Pour pouvoir avoir une place dans la société actuelle, c’est une compétence que les enfants doivent acquérir et que les adultes doivent pouvoir maîtriser. L’utilisation du numérique est plurielle, on peut parler d’acquisition de compétences numériques comme la capacité d’utiliser un traitement de texte, mais ça peut aussi être un outil de complément. C’est utile d’avoir un ordinateur pour réaliser une recherche, dans ce cas c’est une utilisation transversale. C’est aussi utile pour aider les élèves qui ont des besoins spécifiques comme la dyslexie, des problèmes visuels ou même l’apprentissage du français, les outils numériques permettent d’avancer de façon progressive en fonction de son niveau. Bien sûr, il ne s’agit pas de laisser l’enfant seul devant son écran, l’intention et la réflexion de l’enseignant derrière sont toujours importantes. Ce n’est pas comme à la maison où on met les enfants devant la télé et on ne doit pas s’en occuper. Il faut aussi apprendre aux enfants à se protéger sur Internet, on vit beaucoup de situations de harcèlement via WhatsApp car ils sont livrés à eux-mêmes en dehors de l’école.

Quels peuvent être les effets de l’utilisation du numérique sur l’apprentissage ?

L’utilisation du numérique peut avoir des effets positifs sur l’apprentissage, notamment : Une motivation accrue : les élèves sont souvent plus motivés par les activités numériques que par les activités traditionnelles. Une personnalisation de l’apprentissage : les outils numériques permettent de proposer des activités adaptées au niveau et aux besoins de chaque élève. Une collaboration accrue : les outils numériques permettent aux élèves de travailler ensemble de manière plus interactive. Cependant, il existe aussi des risques liés à l’utilisation du numérique, notamment : Une addiction : les élèves peuvent être exposés à des contenus numériques de manière excessive. Une perte de compétences cognitives : l’utilisation excessive des outils numériques peut entraîner une perte de compétences cognitives telles que la concentration et la mémoire.

Les enfants développent-ils de nouvelles compétences ou au contraire sont-ils à risque d’en perdre ?

Les enfants développent de nouvelles compétences grâce à l’utilisation du numérique, notamment : Des compétences numériques : les enfants apprennent à utiliser les outils numériques de manière efficace. Des compétences transversales : les outils numériques permettent de développer des compétences transversales telles que la collaboration, la résolution de problèmes et la créativité. Cependant, les enfants sont aussi à risque de perdre des compétences cognitives en cas d’utilisation excessive des outils numériques.